LES GLOSSODYNIES ESSENTIELLES, dites « SYMPTÔME DE LA LANGUE BRÛLANTE »
Ce type de glossodynie (appelée, rappelons-le, stomatodynie quand la sensation douloureuse s’étend à toute la bouche) est une affection – bénigne mais longue à traiter – qui touche essentiellement les femmes (mais pas uniquement) entre l’âge de 40 et 60 ans, parfois plus tôt, et très souvent à partir de la ménopause (2/3 des cas.) Elle n’a semble-t-il jamais été observée ni chez l’enfant, ni chez l’adolescent. (4) Pour donner une idée de sa fréquence, on peut citer l’exemple de l’hôpital d’Eaubon, où en 15 ans et sur 15000 consultations, 114 cas ont été observés. (6) Cette maladie a été autrefois désignée sous le nom de rhumatisme lingual, migraines de langue, ulcération imaginaire de la langue, fausse glossite… On parle volontiers aujourd’hui de symptôme de la langue brûlante. Cette pathologie serait propre aux « populations développées, urbanisées, vieillissantes, surmédicalisées et consommatrices de tranquillisants – ce qui explique son développement actuel.» (5) Elle se traduit par des douleurs de langue chroniques et lancinantes, soit diffuses, soit localisées en un point précis (pointe, bord), soit encore associées à des brûlures des lèvres (parfois le seul signe), gencives, palais, pharynx (6) et parfois à une enflure, sans cause locale apparente.
- Toutefois s’y ajoutent parfois (30 pour cent des cas) des lésions associées (langue géographique, aphtes, semis rouge sur la pointe et les bords de la langue, lichen dans 5 pour cent des cas) (l- 6) sans rapport direct avec l’affection, tandis que d’autres sont dues au frottement incessant de la langue contre les dents, fréquemment observé dans ces cas. (5)
- Il est également fréquent d’observer une perturbation du goût (10 pour cent), une sécheresse buccale entretenue par l’usage abusif et inutile d’antiseptiques locaux (6), ou au contraire un afflux de salive, une salive épaisse, mousseuse, au goût métallique, amer ou encore acide.
Les douleurs (brûlures, picotements, démangeaisons, sensation de coupure), débutent en début de journée – surtout après le petit déjeuner – pour s’accentuer pendant la journée et devenir insupportables en soirée. L’application d’anesthésiques locaux ne les fait pas disparaître (5). En l’absence de lésions, elles disparaissent en revanche la nuit, en position allongée, ainsi que pendant les repas (ce qui n’est pas du tout le cas pour les glossites, et constitue donc un élément important du diagnostic). Après ceux-ci, elles s’intensifient « ce qui laisse supposer l’existence d’un facteur neurologique dans la genèse » de ces douleurs. Les douleurs sont aggravées par le fait de parler, ainsi que par toute tension nerveuse (lire, écrire, regarder la télévision…) ou contrariété. Certains patients° ont également remarqué que l’exposition à la chaleur ou à un air trop sec aggrave les douleurs. Le plus souvent mais pas toujours, le début de la maladie est brusque et s’observe souvent en période de soucis familiaux ou professionnels, ou encore à la suite d’un traitement chirurgical ou médicamenteux (nombreux témoignages°). Les douleurs, au début, peuvent ne survenir que par périodes, avant de devenir quotidiennes. (4) En l’absence de cause définie, la cause psychologique est l’explication la plus souvent retenue. Les glossodyniques auraient souvent un profil anxieux voire dépressif (cause ou conséquence, il est parfois tout de même permis de se poser la question !°) Ceux qui ne se reconnaissent pas dans ce tableau pourraient malgré tout et sans le savoir, être victimes d’une dépression masquée (3). L’approche psychologique de la maladie est privilégiée semble-t-il par l’Hôpital Saint Louis à Paris, qui a réalisé une étude en ce sens portant sur plus de 200 cas. Ceci n’autorise pas pour autant à dire qu’il s’agit d’une maladie imaginaire (6). La douleur est bel et bien réelle et s’accompagne de signes cliniques parfaitement observables avec des techniques appropriées : Une étude scientifique yougoslave (8) a ainsi pu mettre en évidence des différences de température significatives de la langue entre un groupe de 50 glossodyniens et un groupe de 50 témoins. D’autre part, on sait que les douleurs qui affectent les muqueuses sont en relation avec des modifications de l’acidité au niveau cellulaire. Là encore on ne voit rien, mais des mesures fines montrent qu’il se passe quelque chose de physique… Dire à un patient dont la douleur est vécue comme insupportable : « vous n’avez rien, c’est dans la tête », ou : « ce n’est pas grave, il n’y a rien à faire », est à la fois un signe d’ignorance, et une erreur (6) dont le seul résultat est d’enfoncer davantage dans la dépression un patient déjà éprouvé.°
Quelques traitements préconisés par les spécialistes: La glossodynie ne tend pas à guérir spontanément et en l’absence de traitement, passe à la chronicité. Tous ces traitements relèvent de la compétence d’un médecin et ne sont cités qu’à titre purement informatif. Dans la large gamme des médicaments psychotropes qui comprend :
- les tranquillisants (Urbanyl…)
- les anxyolitiques (Buspar…)
- les anti-dépresseurs (Clomipramine…)
- les neuroleptiques (Dogmatil, Largactil…)
On recommande le choix de psychotropes ne retentissant que peu sur la sécrétion salivaire, l’asialie si elle est présente devant être soignée (5).
L’usage des anxiolytiques (et notamment des benzodiazépines) est généralement jugé « globalement sans effet et non sans inconvénients (perte de mémoire)» (5). L’usage de neuroleptiques et antidépresseurs est diversement jugé :
- Les uns recommandent la prudence en ce domaine : « (L’usage de ces médicaments) ne saurait être envisagé que dans le cas de syndrome dépressif sérieux, sans perdre de vue qu’ils sont responsables de dyskinésies et déficit salivaire » (5) – ou encore « (l’usage d’antidépresseurs) n’est pas souverain (6)». (L’une de nos adhérentes a effectivement vu apparaître une dyskinésie (mouvement incontrôlables de la bouche) – à la suite de la prise de Tercian° ; dyskinésie guérie par l’auriculothérapie, mais qui a cédé la place à une glossodynie.)
- Pour d’autres en revanche, « c’est la thérapeutique anxiolytique et antidépressive qui est la meilleure chance de tenter un traitement efficace » (6)
Dans la pratique, ce sont les traitements antidépresseurs qui apparaissent conseillés le plus souvent, en association avec un soutien psychothérapique dans l’attente de leurs effets qui ne sont pas immédiats (7). Considérant d’une part que « les signes dépressifs facilitent le transfert au niveau des synapses intra-cérébrales des influx douloureux, plus particulièrement ceux de la cavité buccale, et plus spécialement de la langue » (Hôpital St Louis, service de stomatologie)… et d’autre part que : « soit l’antidépresseur a une action sur toutes les douleurs, soit uniquement sur les douleurs liées à la dépression » (3)… – on propose ces traitements à une large catégorie de patients, y compris à ceux qui n’ont pas conscience d’être dépressifs (mais le sont peut-être.)
Les antidépresseurs comprennent une quarantaine de spécialités classées en trois ou quatre familles :
- tricycliques (Anafranil…)
- IMAO (Niamide…)
- Non tricycliques non IMAO (Survector, Athymil)
- les derniers-nés (Deroxat, Prozac)
Les antidépresseurs dits de deuxième génération (sérotoninergiques) sont dits décevants (7). Parmi les antidépresseurs tricycliques, c’est la Clomipramine qui est considérée comme la plus efficace, à une dose journalière allant de 20 à 150 mg (Anafranil) (3-7) – même si elle ne convient pas à tous°. Associée à la Maprotiline 25 mg (Ludiomil) et à l’Urbanyl (tranquillisant), elle entraînerait la disparition des douleurs au bout d’un mois (3), la durée totale du traitement étant de 6 à 12 mois, avec des résultats encourageants de l’ordre de 60 à 80 pour cent. (A noter la possibilité d’une aggravation passagère de l’état dépressif, et une rechute immédiate en cas d’interruption du traitement.) Les autres antidépresseurs de la même famille (Amitriptyline) sont considérés comme moins efficaces (7).
- A l’Hôpital St Louis de Paris on propose depuis dix ans le protocole suivant : Buspar + Mépronizine + Ludiomil. En cas d’échec, antidépresseur type Anafranil.
- D’aucuns (4) proposent encore soit les tricycliques en l’absence de contre-indication, soit les non tricycliques (Miansérine, Fluvoxamine), et recommandent « une posologie progressive mais rapide pour atteindre une dose de 75 à 100 mg d’équivalent imipramine», (la moitié voire le quart chez la personne âgée) – en choisissant, selon les malades, « un antidépresseur sédatif (trimipramine, maprotiline) ou au contraire désinhibiteur (clomipramine, amineptine)». Il faut attendre 2-3 semaines les premiers effets. Il est recommandé d’adapter la posologie, de corriger les effets secondaires ou de changer le produit s’il est mal supporté, puis de prolonger le traitement au moins un an, après quoi on réduit progressivement la posologie.
- Plus indiquée selon un autre auteur (5) serait la Minoprine, (Cantor), « psychostimulant et désinhibiteur qui paraît capable d’atténuer les altérations des neurotransmetteurs impliqués dans les états dépressifs de la sénescence».
- Au Centre Antidouleur de Genève, on recommande Anafranil 75 mg le matin et Rivotril 2 mg le soir – + séances de sophrologie
- voir la page de » témoignages ».
Autres traitements proposés dans la glossodynie essentielle sans cause apparente (1):
l) Traitements généraux
- Vitamine B 12 en injectable : en cures de 10 jours
- Cures thermales : c’est St Christau (crénothérapie) qui est officiellement proposé. (Voir infos et témoignages à la page » Glossopathies et cures thermales ».
- Acupuncture : consultation spécialisée à l’Hôpital Cochin, voir la page » Qui consulter ? «
2) Traitements locaux : infiltrations de corticoïdes en cas de douleur localisée – traitement controversé (4)
3) Sismothérapie dans les cas sévères
4) Psychothérapie et Relaxation de la bouche : un traitement original mis au point à La Garancière par un médecin psychodontologue. Ce traitement est décrit dans le compte-rendu des 22ème Entretiens de Garancière de fin septembre 96 – une journée de ces Entretiens (destinés aux chirurgiens-dentistes) ayant en effet été consacrés à la glossodynie. Selon ce médecin (qui soupçonne également le déséquilibre hormonal de la ménopause), il serait très fréquent que les patients atteints de glossodynie n’aient pas conscience de leur état dépressif. Par voie de conséquence, le traitement préconisé est, une fois reconnue et admise la réalité de la dépression, le traitement de celle-ci : relaxation, psychothérapie (les médicaments seuls n’étant pas toujours suffisants), si besoin antidépresseurs. Car dans ce cas : « Aucun antalgique n’est efficace ; seul l’antidépresseur convient. » Selon le même médecin, il est possible de soulager, au moins partiellement, 90 pour cent de ces patients… mais il faudra d’autant plus de temps pour soulager la maladie que celle-ci est ancienne ! Au cours de la psychothérapie mise au point par ce médecin, le patient est invité à estimer, grâce à une échelle d’évaluation, l’intensité de sa douleur au cours de ses journées, et à noter les événements, émotions, s’étant produits au même moment. Il apprend ensuite à se relaxer et à mieux gérer son stress et les manifestations qui l’accompagnent. Si vous vous sentez concernés par cette approche de la maladie, sachez qu’il existe une Consultation de Psychodontologie à la Faculté de Chirurgie Dentaire à Paris (voir la page » Qui consulter ? « ). Sachez aussi que ce Dr, qui organise des sessions de formation à l’intention de ses confrères, étudie aussi le rôle de la ménopause dans les syndromes buccaux de la dépression.