Souvent dès l’enfance

Langue géographique et langue fissurée

On entend et lit encore trop souvent (manuels et dictionnaires obsolètes se répétant semble-t-il indéfiniment…) qu’on ne sait rien des origines ni du traitement de la glossite exfoliatrice marginée, si ce n’est qu’il s’agit d’une maladie constitutionnelle. Pourtant, des recherches intéressantes à ce sujet, à découvrir ou redécouvrir et poursuivre, ont été menées au début des années 80 (2). Depuis, il semble qu’aucune autre étude n’ait été effectuée en France. Nous avons rencontré l’auteur de cette thèse (2), qui a réalisé diverses observations et essais thérapeutiques en milieu hospitalier. La langue géographique ou glossite exfoliatrice marginée est une maladie auto-immune peu fréquente, d’origine génétique. Habituellement bénigne, mais se compliquant assez souvent, au fil du temps, d’une tendance à la fissuration (elle-même d’origine génétique). Cette affection atteindrait de 1,5 à 2,5 pour cent de la population (2) (jusqu’à 5 pour cent selon d’autres auteurs), avec une prédominance féminine. Elle peut se manifester à tout âge, mais apparaît souvent dès la petite enfance. Sur ce terrain viennent se greffer semble-t-il des facteurs déclenchants : allergènes (on trouve de nombreux patients allergiques), alimentation, stress… « Par contre les facteurs infectieux, nerveux, hormonaux, évoqués autrefois par la littérature médicale, n’ont pu être prouvés. ». Méconnue, cette maladie suscite fréquemment l’inquiétude des médecins et des malades – et fait « souvent l’objet de prescriptions inadaptées et parfois nocives (antiseptiques).» Elle peut revêtir des formes mineures et peu gênantes, ou au contraire majeures, accompagnées de glossodynie (l).

pour le malade elle se caractérise par: des poussées d’intensité et de fréquence variables, mais plus marquées à l’automne et au printemps.une langue présentant globalement l’aspect d’une carte de géographie (festons, anneaux, aires dépapillées roses ou rouges entourées d’une bordure blanchâtre ou jaunâtre légèrement surélevée).et une très grande variabilité de l’aspect de la langue qui peut se modifier d’un jour à l’autre ou même d’une heure à l’autre.des sensations de brûlures et une sensibilité aux aliments. Parfois s’y associent également des aphtes, ou assez fréquemment, comme nous l’avons dit plus haut, une langue fissurée (voir ci-dessous). Selon certains auteurs, cette affection pourrait parfois guérir vers l’âge de six ans. Dans les autres cas, les poussées s’espacent avec l’âge.Pour le praticien: la glossite exfoliatrice correspond à « une dépapillation sélective sur les papilles filiformes, évoquant un renouvellement cellulaire trop rapide.» Un autre mérite de cette étude est d’établir, à la suite de divers auteurs, que la langue géographique marginée serait « une forme linguale du psoriasis.» « Elle correspond, dans certains cas, à une localisation buccale du psoriasis.» (Courrier Allô-Gènes). Information non sans intérêt puisque le Généthon (Centre de Recherche sur le génome humain) et l’Institut français de Recherche sur la Peau de l’Hôpital St Louis mènent une vaste étude sur le psoriasis ! Langue fissurée : Dans 30 pour cent des cas, les signes précités viennent se compliquer de l’apparition progressive d’une langue fissurée ou plicaturée (également d’origine génétique): Apparition, au fil des crises et des ans, de fissures – d’abord minimes (simple petit trou se transformant en fissure médiane du dos de la langue, puis se creusant et se ramifiant. La langue peut aussi se plicaturer sur son pourtour (ce qui peut laisser croire au malade que l’empreinte des dents en est cause). Egalement sans gravité, cette affection (qui peut aussi apparaître indépendamment de la précédente), présente cependant l’inconvénient de rendre la langue plus sensible aux infections (mycoses…)

Risque et mode transmission de la glossite exfoliatrice marginée : Nous avons interrogé à ce sujet le Centre d’Information sur les maladies génétiques (Voir page  » Qui Consulter ?  » ). En voici la réponse : « Dans la plupart des cas, l’affection n’est pas héréditaire. Peu de choses sont connues sur cette affection… Dans de rares familles, elle a été retrouvée sur plusieurs générations; il s’agit alors d’une affection dominante, c’est- à-dire se transmettant de génération en génération. Un sujet atteint a alors un risque sur deux de transmettre l’affection à ses enfants. Comme la maladie peut s’exprimer sous une forme mineure, il convient de rechercher attentivement chez les parents de petits signes, notamment une langue fissurée avant d’exclure tout risque chez un autre enfant…»

Traitements : Actuellement, il n’existe pas de traitement capable d’empêcher l’apparition de cette maladie qui se manifestera donc périodiquement tout au long de la vie, l’organisme étant pour ainsi dire « programmé pour ». En revanche contrairement à l’affirmation courante selon laquelle il n’y a ni cause, ni traitement connus de cette maladie – laquelle ne présenterait pas non plus d’inconvénients notables -, on peut tenter d’agir sur les symptômes et donc la gêne occasionnée, permettant ainsi aux malades de vivre le mieux possible avec leur maladie. S’il reste donc des recherches à faire et s’il n’y a pas de traitement standard, il existe cependant, selon la tolérance et les réactions de chacun, plusieurs possibilités de traitement. Les thérapeutiques suivantes ont été testées, avec des résultats intéressants, sur une série de patients âgés de 12 à 71 ans. Malheureusement, il faut préciser qu’elles ne réussissent pas à tous :

  • applications locales de vitamine A acide visant à la régénération de la muqueuse (simples tamponnements trois fois par jour, éventuellement complétés par des bains de bouche non irritants) : jusqu’à l’arrêt récent de leur fabrication les Tampons Abérel à 0,05 pour cent de trétinoïne (plus couramment utilisés contre l’acné) ont donné chez certains de très bons résultats (cicatrisation très rapide des fissures lors du premier essai ; absence pure et simple d’apparition de celles-ci lors des traitements suivants entrepris dès l’apparition des premiers symptômes (picotements, brûlures). On peut essayer de les remplacer par d’autres solutions (Locacid 0,1 pour cent ou encore Abérel 0,2 pour cent) dont l’emploi s’avère cependant moins aisé° ; selon les laboratoires concernés (Fabre, Cilag), possibilité d’employer pur ou plus ou moins dilué avec de l’eau, en fonction de la tolérance et de l’efficacité constatées. Notre expérience avec le Locacid 0.1 : allongé d’un tiers d’eau, résultat satisfaisant (en revanche, perte d’efficacité avec une dilution plus forte, et en raison de sa teneur en alcool, trop grande agressivité du produit employé pur). Hélas, tout le monde ne supporte pas ce traitement qui peut avoir au contraire un effet irritatif chez certains. En cas de poussées d’intensité modérée, il existe d’autres possibilités et notamment :anti-inflammatoires locaux (Solupred en bains de bouche, Betnéval en glossettes)immunothérapie anti-inflammatoire: cure d’Imudon. (Egalement prescrite par ailleurs à plusieurs de nos correspondants, avec des résultats très variables : aucun résultat dans un cas, « un soulagement par Imudon + Nifluril et Betnéval, + un bain de bouche de Glyco-Thymoline le soir » dans un second cas, aucun effet des mêmes médicaments dans un troisième cas.)En cas de poussées invalidantes, traitement général anti-inflammatoires par voie générale, en injections intra-musculaires (Kenacort retard Profenid)Enfin, sous anesthésie locale, possibilité de traitement chirurgical (remodelage) des fissures profondes, réalisé au laser. Tous ces traitements doivent être adaptés à chacun et nécessitent bien entendu un avis médical.Et bien évidemment, en période de crise, nécessité d’éliminer tout aliment ou produit irritant (certains dentifrices ou bains de bouche…) risquant d’aggraver les lésions : épices, vinaigre, vin – mais aussi noix, gruyère, certains yaourts, frites, croûte de pain, note entre autres un lecteur. D’autres infos sur cette glossite sur le site : www.ncbi.nlm.nih.gov (cliquer sur Pub med Quercy, mot-clé geographic tongue).